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Installé à Lescure d’Albigeois il y a 5 ans, le collectif Terres citoyennes albigeoises (TCA), installera ses premiers maraîchers à la rentrée 2024. Entretien avec Pascal et Wil, deux bénévoles de la première heure, et August et Marion, les maraîchers qui accueillent l’asso dans leurs locaux.

CLM : Racontez-nous la genèse de Terres citoyennes albigeoises…

Pascal : Notre premier projet était de constituer, dans la plaine de Lescure, un pôle maraîcher défendant une agriculture paysanne, biologique, résiliente et locale. La mission générale de l’asso est de mettre à disposition des porteuses et porteurs de projets ne disposant pas de capital pour acheter une ferme, des terres et un accès à l’eau. Le projet de Terres citoyennes albigeoises est de contribuer à « nourrir l’Albigeois demain » en créant une dynamique susceptible de se démultiplier.

CLM : Au bout de 5 ans, où en êtes-vous ?

P : Les terres ont été décailloutées et le délai de conversion bio est achevé. Grâce à l’énergie des bénévoles, nous avons créé un bâtiment en auto-construction pour accueillir les outils et machines partagées, et un forage a été réalisé pour assurer l’accès à l’eau. Mais, nous n’avons pas encore de maraîchers installés*. August et Marion ont leurs propres à terres, juste à côté. On s’est donné le temps pour bien faire les choses, parler d’une seule voix Précisons que nous avons été accompagnés l’Atag (association tarnaise pour le développement de l’agriculture de groupe), une asso reconnue que nous avons la chance d’avoir à côté.

Pascal, Wil et August, devant le local de terres Citoyennes

CLM : Rappelons la dimension « citoyenne » du projet….
P : Terres Citoyennes fonctionne grâce à l’épargne solidaire avec des parts sociales. Les 240 000 euros réunis depuis le démarrage du projet grâce à 160 sociétaires ont pratiquement entièrement été investis. Nous allons réouvrir le capital au printemps. En souscrivant des parts sociales, vous contribuez à sortir des terres agricoles de la spéculation et à en faire des biens communs, à développer une agriculture paysanne et bio, à nourrir la ville en circuits courts, à développer une économie locale et circulaire, à protéger la biodiversité…

CLM : La période du Covid a dopé les ventes de produits locaux, mais les habitudes d’achats en supermarché et en Drive sont reparties de plus belle. Les ventes de bio ont chuté. Comment vous adaptez-vous à ce contexte ?
Marion : C’est vrai qu’il est difficile pour un nouveau maraîcher de trouver une place sur le marché qui marche bien, car oui il faut que l’installation sur un marché « vaille le coup ». Il y a aussi le marketing agressif des supermarchés qui nous porte préjudice. Car quand ils mettent en avant « les producteurs locaux », ça représente un faible pourcentage de l’étal et les marges sont faibles.
Pascal : Le mode de commercialisation doit être cohérent avec le modèle de production. Un maraîcher diversifié va plutôt s’orienter vers la vente en Amap ou sur les marchés. A l’inverse, un maraîcher souhaitant vendre en magasins ou en restauration collective aura intérêt à cultiver moins de variétés, mais en plus grandes quantités et de façon plus mécanisée pour réduire les coûts. Il est difficile d’assurer un débouché pérenne, sauf à obtenir une contractualisation du partenariat. Ca, ça pourrait faciliter et pérenniser les installations..
August : Il y a aussi de beaux exemples de mutualisation de paysans pour la commercialisation : le Mange-tout (ici à Lescure), la Corbeille du Ségala, O Saveurs Paysannes ou Al pais…

CLM : Et si on parlait des prix..
Wil : Quand on met un visage sur des produits, on est prêts à payer un peu plus ou à « faire l’effort » d’aller chercher ses produits chez le producteur du coin ou au marché. On sait qui il y a derrière, on sait à quelle économie sert notre argent. Il faut faire de la pédagogie auprès des consommateurs et la pédagogie peut être joyeuse, quand elle est faite autour d’un repas partagé, d’une fête de village, etc.

Marion : Quand on n’utilise peu d’intrants et qu’on est peu mécanisés, comme nous, la facture a peu évolué, nos prix n’ont pas bougé. Parce qu’on établit des prix justes. Les médias ont martelé pendant longtemps que le bio était cher, mais aujourd’hui on est parfois moins cher que les produits conventionnels. Par contre, la précarité, elle est des deux côtés de l’assiette. Au bout de 5 ans d’activité, après une double activité et deux ans de chômage, c’est le premier mois où l’on se paye. Parfois on se dit qu’on ne fait pas partie de la société, qu’on n’est pas invité à la fête, d’où la colère des agriculteurs…

Marion, de la Grange du Serayol

CLM : Comment les collectivités peuvent vous y aider ?
P : Nous avons créé une SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) afin de pouvoir impliquer également les institutions, car nous avons aussi besoin d’elles pour avancer. Si on veut avoir un territoire local dynamique, il faut faire travailler les gens d’ici. Il y a beaucoup de pédagogie à faire auprès des consommateurs, mais aussi des mairies. Elles ont un vrai rôle à jouer parce qu’elles sont au cœur du territoire et de ces problématiques. Elles peuvent nous aider en incitant les habitants à choisir les circuits courts, en offrant plus de places sur les marchés.. ou en prenant des part sociales dans la SCIC. La mairie de Lescure est ainsi partie prenante.

CLM : Et si nos lecteurs veulent vous rencontrer ?
P : Nous nous réunissons tous les 2e et 4e mercredis du mois (18h-20h) à la Grange du Serayol ou le 1er samedi du mois au jardin devant la médiathèque de Lescure (10h-12h). On peut aussi nous rencontrer en participant à nos évènements : « faites de la citrouille » en octobre ou « Courge Toujours », une nouvelle date programmée le 4 mai. Et puis à notre Assemblée Générale, programmée le samedi 23 mars.

Propos recueillis par Maria Guillon

*Terres Citoyennes a déjà accueilli cependant la pépinière Sebtan.

Assurer l’accès aux terres et à l’eau

Emanation d’Albi Ville Comestible, le collectif Terres citoyennes, réunit 160 sociétaires. Fort de 20ha de terres (dont 4 en location), d’un bâtiment auto-construit et d’un forage central pour garantir l’accès à l’eau, il va lancer un nouvel appel à souscription au printemps et son 1er appel à candidatures en suivant. Son objectif : assurer aux maraîchers qui veulent s’installer un accès aux terres et à l’eau pour amplifier la production de légumes biologiques locaux.

A savoir

En achetant des parts sociales, vous soutenez l’agriculture locale tout en bénéficiant d’avantages fiscaux : une réduction d’impôt sur le revenu de 25% du montant souscrit, en cas d’engagement à conserver vos parts sociales au moins 7 ans avant remboursement.

En savoir plus