La conservatrice du musée Toulouse Lautrec prépare l’imminence de l’exposition « Toulouse-Lautrec et l’art de l’affiche ». Interview
En s’engageant dans ses études d’art, Fanny Girard devait devenir restauratrice. Immergée pendant plusieurs années à l’école du Louvre, lui offrant un accès privilégié aux œuvres du plus grand musée d’art du monde, elle choisit d’être conservatrice et de passer le concours de la fonction publique. Avec succès. Et devient ainsi directrice du Musée Toulouse-Lautrec à Albi. « Mon métier, c’est de travailler pour les générations futures, relève-t-elle, à quelques jours de l’ouverture (le 29 avril) de la nouvelle exposition temporaire dédiée aux affiches du peintres. Tout juste restaurées, celles-ci seront exposées pendant quatre mois avant d’être mises en réserve pendant trois ans, le temps nécessaire pour limiter leur dégradation.
38 affiches rénovées
Avec cette exposition illustrant le « Lautrec affichiste », le musée met en avant un pan de la production du peintre en le replaçant dans le contexte culturel, social et économique de l’époque, fait redécouvrir les affiches et leur mode de fabrication.
« Nous avons souhaité souligner de nombreux détails comme ceux qui montrent l’influence du théâtre d’ombre ou des estampes japonaises sur le peintre, souligne Fanny. Et qui montrent à quel point Toulouse-Lautrec était révolutionnaire, précurseur de l’affiche moderne publicitaire et lithographique. Nous avons aussi la chance d’avoir de nombreuses études préparatoires ou des projets d’affiches, qui permettent de comprendre le processus de création. »
L’exposition révèle de nombreuses anecdotes qui éclairent le contexte de création. « Même dans le traitement des publicités, son approche est originale, relève encore la conservatrice. Toulouse-Lautrec a presque produit autant d’affiches pour l’édition que pour les cabarets… Bien sûr pas autant que Jules Chéret, un autre affichiste de la fin du XIXème par exemple, mais il faut savoir que Toulouse-Lautrec n’était pas dans le besoin, ce qui lui permettait de choisir ses commandes ou de travailler pour des amis ».
« Mon métier de conservatrice, c’est de travailler pour les générations futures. »
Une médiation orientée pratique
Le musée proposera trois types de visites : les visites guidées, décalées (animées par deux comédiennes) ou associées avec les ateliers famille. Surtout, l’originalité de la médiation liée à cette exposition sera son orientation « pratique ». Deux cabinets permettront aux visiteurs de manipuler les tampons de lithographie et de réaliser une impression personnalisée. Un jeu numérique réalisé en collaboration avec les étudiants de l’Université Champollion permettra également de produire une affiche. Un parcours sonore viendra parfaire l’immersion dans l’ambiance du début du XIXe (chansons de french cancan, d’Aristide Bruand ou Yvette Guibert). Des cartels spécifiques et un petit guide à demander à l’accueil offrent un accès privilégié adapté aux enfants.
Nouveau projet scientifique et culturel
Le renouvellement du projet scientifique et culturel en cours est l’occasion de requestionner l’identité du musée et de se réinventer. Ce document très opérationnel donnera le cap sur les 10 ans à venir. « S’il bénéficie d’une grosse fréquentation touristique (132 400 visiteurs sont venus le découvrir en 2024), il n’est pas assez visité par les locaux », regrette la directrice. L’enjeu est donc de réattirer un public plus local, de nous ancrer plus sur le territoire en nouant des partenariats avec les institutions : université, lycées, SNA ou Centre d’art … Et c’est chose faite depuis peu : pour sa réouverture, le LAIT a prêté trois œuvres de Leonor Serrano Rivas. Elles sont exposées au premier étage du musée dans la rotonde de la galerie d’Amboise.
« J’aimerai aussi montrer qu’il existe différentes façons de visiter un musée, ajoute-t-elle. En voyage, quand on a peu de temps, il faut visiter tout un musée et c’est fatigant. Quand on habite à proximité, on peut « consommer » différemment, en prenant son temps, en ne voyant qu’un étage, qu’une seule salle ou quelques tableaux. » C’est ce que permet la carte annuelle que nous aimons beaucoup à la Rédaction ! Ou comment passer au musée quand on a dix minutes « perdre », de quoi se sentir un tout petit peu comme chez soi..
Maria Guillon
PS : Le Curiosity Club d’Albi en fait son invitée samedi 8 avril dès 19h30 au restaurant Le Lautrec. Info et réservation : inside_curiosityclubalbi
Toulouse-Lautrec et l’art de l’affiche, à voir du 29 avril au 31 août
L’exposition est déclinée en quatre thématiques : le lien avec le spectacle (affiches liées au cabarets et cafés-concerts), le lien avec l’édition et la presse, relevant l’intégration du peintre eu sein des cercles littéraires, le lien avec la publicité, l’industrie et la culture de la consommation, l’essor de l’affichomanie et comment les affiches sont entrées dans les musées.
Les prochains rendez-vous
En fin d’année, dans le cadre des 40 ans de jumelage avec la ville de Girone, le musée accueillera plusieurs œuvres de Miro dans son parcours permanent. En 2026, le musée accueillera une exposition dédiée à un autre affichiste, ami de TL, Henri Ibels. Sa spécificité : cet artiste, membre des Nabi, n’a encore jamais fait l’objet de rétrospective. Un gros travail de recherche va donc être entamé en collaboration avec le musée Maurice Denis de Saint-Germain-en-Laye autour d’un comité scientifique.